Le groupe Outhere Music s’associe au projet humanitaire et culturel de Music Fund et confère au voyage du Florestan sa dimension sonore. Régulièrement, nous vous proposons la « playlist du bord », résumé subjectif et sonore des émotions, des sensations et des échanges qu’autorisent un grand voyage sur un petit voilier…
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Il faisait beau ce jour-là à Neiafu. L’atmosphère s’était adoucie après plusieurs semaines d’une chaleur écrasante, et la baie de Port of Refuge était baignée d’une lumière dorée qui faisait scintiller les eaux turquoises dont Florestan, à sec sur le chantier naval près du petit pont menant à Vaipua, se languissait depuis de trop nombreux mois. Le temps, lui, était suspendu à un fil si ténu que même le facétieux Éole avait retenu son souffle, parfois destructeur.
Ce jour-là, les rues étaient envahies de la fumée des umu, ces grands fours traditionnels creusés dans le sol dans lesquels les quelques cochons farouches qui gambadaient encore joyeusement la veille aux abords des maisons achevaient de rôtir. Les échos d’émouvants cantiques, scandés avec puissance et foi par les différentes communautés religieuses de l’île, parvenaient jusqu’à nous, annonçant la fin de l’office et les retrouvailles des familles.
Ce jour-là, toute la ville vibrait au rythme des danses ancestrales, que les élèves du Saint Peter Chanel College répétaient jusqu’à l’épuisement pour célébrer 50 ans d’enseignement catholique. Les jeunes avaient ensuite pris possession d’une petite plage reculée pour se réunir, au son de la guitare, autour d’un kumete (bol) rempli de kava, jusqu’à ce que leur esprit vole aussi haut que leurs espérances.
Ce jour-là, une symphonie de cuivres accompagnait le dernier voyage d’un vieillard que les femmes en noir, éblouissantes de beauté dans leurs grandes robes de pandanus, suivaient avec gravité et noblesse.
Ce jour-là, au détour d’un regard, une femme inconnue nous avait comblés de fruits de son jardin, d’un geste gratuit et sincère, nous rappelant que la générosité est, outre la fidélité à Dieu et au Roi, constitutive de l’âme tongienne.
Et ce jour-là, malgré la douceur, la lumière, les rires, l’ivresse, le souvenir et l’amitié, malgré ce jour si beau et lumineux, ce jour-là, j’ai pleuré. C’était le 22 mars 2016.
En souvenir de Melanie Defize, productrice enthousiaste du label Cypres, disparue le 22 mars 2016 dans les attentats de Bruxelles.