Le groupe Outhere Music s’associe au projet humanitaire et culturel de Music Fund et confère au voyage du Florestan sa dimension sonore. Régulièrement, nous vous proposons la « playlist du bord », résumé subjectif et sonore des émotions, des sensations et des échanges qu’autorisent un grand voyage sur un petit voilier…
> Ecouter la playlist sur Spotify
En mer, il y a des continents qui dévoilent leur présence bien avant que la terre ne se soit signalée aux yeux. Les nuages sont souvent complices de ce tour de magie: espiègles mais bienveillants, ils se drapent de la couleur de la banquise ou du lagon pour guider le navigateur durant ses longues pérégrinations sur l’eau. En ce mois de décembre 2016, c’est l’Afrique qui se dessine en filigrane sur l’horizon. Le spectacle est d’une beauté inégalable: juste avant de rendre son dernier soupir, le soleil, d’un rouge écarlate, embrase le ciel le temps d’un battement de cœur, avant de céder la place à une nuit claire, constellée d’étoiles. Jamais les couleurs du jour finissant n’ont été aussi chatoyantes et la voûte céleste si pure. L’odeur caractéristique de la terre viendra confirmer nos soupçons deux jours plus tard, peu de temps avant que les dunes du Mozambique ne se dressent devant l’étrave de Florestan.
L’Afrique! Berceau de l’humanité, terre féconde, riche et sauvage! Ici, la nature n’a que faire du commerce des hommes: insolente et excessive, elle comble ou broie selon ses humeurs. Combien de bateaux ne se sont-ils pas perdus dans les vagues monstrueuses enfantées par le courant des Aiguilles ou échoués sur les rochers du Cap des tempêtes, affublé des atours de Bonne-Espérance? Combien d’hommes et de femmes ont-ils à lutter chaque jour contre les ravages de la sécheresse ou des pluies diluviennes ? Et pourtant, à contempler les paysages déchirés du Drakensberg ou les plaines verdoyantes du KwaZulu-Natal, on en vient à penser que Dieu tenait l’Afrique pour favorite.
Aux petites heures de l’année nouvelle, notre petit bateau se lance sur les traces de Vasco de Gama qui, en route pour les Indes il y a 500 ans de cela, découvrait cette région stratégique pour le commerce des épices. De la présence européenne au Mozambique, il ne reste que quelques bâtisses décaties et un peu de cette saudade qui imprime chaque mot de la langue de Camões. De l’autre côté de la frontière, celle que l’on appelle la « nation arc-en-ciel » porte encore les traces de son douloureux passé. Bien qu’elle soit libérée du joug de l’apartheid, l’Afrique du Sud peine à panser la plaie béante causée par les inégalités sociales et le repli communautaire incarné par ces quartiers ceinturés de hauts murs en béton, surmontés de barbelés. « This is Africa » nous disent ici les Afrikaners. « Africa without walls » crie-t-on de l’autre côté.
« C’est au bout de la vieille corde qu’on tisse la nouvelle » (proverbe africain)